Tout est parti de deux journalistes britanniques. Ils affirment qu'ils ont vu 23 véhicules blindés de troupes russes franchir la frontière, près de Donetsk, dans la nuit du jeudi 14 au vendredi 15 août. Quelques heures plus tard, le président Petro Porochenko, richissime patron du groupe de confiserie Roshen, partisan de l'intégration européenne, s'empresse d'annoncer dans un entretien téléphonique avec le Premier ministre David Cameron qu'"une grande partie de ce matériel a été détruite par l'artillerie ukrainienne". Comment imaginer que l'Armée russe n'ait pas réagi aussitôt? Un responsable du ministère de la Défense à Moscou, le général Igor Konachenkov, s'est contenté d'ironiser. "Les forces ukrainiennes, a-t-il dit, détruisent des fantômes". Paul Ricard, chef de la mission d'observation de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), a assuré pour sa part qu'il n'avait vu "aucun camion ou véhicule blindé passer la frontière", en tout cas aux postes de contrôle de Donetsk et de Gonkovo. Pourtant l'OTAN persiste à affirmer le contraire.
Ce n'est pas la première fois que des forces militaristes dans les pays occidentaux lancent de fausses rumeurs pour mener à bien leur politique d'encerclement de la Russie. Pourtant, le 9 février 1990, James Baker, le secrétaire d'Etat américain de George Bush, avait assuré à Mikhaïl Gorbatchev que l'Otan n'étendrait pas d'un pouce sa poussée vers l'Est si Moscou acceptait que l'Allemagne réunifiée entre dans l'alliance atlantique. Belle promesse! En l999 la Pologne, la République tchèque et la Hongrie adhèrent à l'Otan; en 2004, c'est au tour de la Bulgarie, de la Roumanie, de la Slovaquie et des trois Etats baltes. Restait l'Ukraine, gros morceau de l'ancienne URSS, qu'il fallait avaler. Les premières démarches ont commencé en 2008 lors du sommet de l'Otan à Bucarest. Depuis, les Etats-Unis ne cessent de faire pression pour faire basculer l'Ukraine dans le camp occidental. Vladimir Poutine a décidé de dire stop. Le Pentagone a des centaines de bases militaires et aéronavales dans le monde, principalement autour de la Russie. Pour quoi faire?
Par manque d'expérience ou parce qu'ils sont manipulés par des services de renseignements, certains journalistes diffusent de fausses informations qui peuvent avoir des conséquences dramatiques. En 1974 la presse américaine avait "révélé" que les Soviétiques étaient en train de construire une base navale à Paita, sur la côte péruvienne de l'océan Pacifique. Envoyé spécial de "L'Express", je me suis rendu sur place pour en avoir le coeur net. En fait il ne s'agissait que d'un port de pêche à la baleine des Japonais. Quelques années plus tard, des journaux américains ont affirmé que les Cubains étaient en train de construire un aéroport dans le Sud de l'île indépendante de la Grenade et les Soviétiques une base de sous-marins dans le Nord. Une fois de plus je suis allé vérifier. Tout faux. Les Etats-Unis ont néanmoins envoyé 6 000 "marines" pour mettre en place un gouvernement à leur solde. Plus tard, en 1989, lors de l'insurrection populaire contre le président Nicolae Ceausescu, en Roumanie, un journaliste hongrois a affirmé sans preuve que plusieurs centaines d'habitants avaient été assassinés à Timisoara. Faux. Je me suis rendu pour "Le Monde Diplomatique" dans cette ville roumaine, jadis hongroise, pour constater qu'il y avait eu une quarantaine de victimes.
Les fantômes rôdent en permanence dans le monde. Pas seulement en Ukraine.
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